Une critique de Frank de Bondt dans les pages livres de Sud-Ouest
LE HOLD-UP DE TOUTE UNE GENERATION
Les baby-boomers sortent étrillés de la lecture du livre de Bernard Spitz, 47 ans, ancien conseiller de Michel Rocard et aujourd'hui à la tête d'une société de conseil. Non contente d'avoir rapidement occupé tous les postes de commande, la génération née après la Seconde Guerre mondiale laisse à ses enfants, au moment de partir à la retraite, un pays endetté, des régimes sociaux lourdement déficitaires et un système de retraites tellement avantageux pour elle qu'il se révélera rapidement infinançable, à moins de faire payer davantage des actifs de moins en moins nombreux.
Inconscience. Ce tableau est connu mais, dans « Le Papy-Krach », Bernard Spitz ne se contente pas de donner des chiffres vertigineux, il dénonce l'égoïsme d'une génération hédoniste et inconsciente qui, pour la première fois dans l'histoire, n'a pas hésité à sacrifier l'avenir de ses enfants à ses plaisirs immédiats. « Avec une ironie cruelle, souligne-t-il, la génération des baby-boomers a érigé sur un piédestal les droits des enfants, le respect de leur personne et de leur autonomie, tout en leur léguant les sacrifices qu'elle n'a pas eu le courage de faire. Les livres de Françoise Dolto dans une main, et la matraque des prélèvements dans l'autre... »
Quant à tous ces enfants bernés, ils se sont trompés de combat. Depuis trente ans, les manifs étudiantes ont démontré que les jeunes avaient brûlé leurs cartouches protestataires contre des réformes susceptibles d'améliorer leur avenir, faisant ainsi le jeu des conservatismes et des corporatismes au service de leurs aînés.
La facture des retraites. Bref, comme l'observe Spitz, les étudiants ont été instrumentalisés au point de ne pas voir qu'ils roulaient pour d'autres et pas pour eux-mêmes. Demain, munis de diplômes universitaires déqualifiés, ils paieront, de surcroît, la facture des retraites et d'une Assurance maladie en faillite.
Le constat est sombre, et le bilan n'est pas à l'avantage de la Ve République. « Paradoxalement, écrit l'auteur, c'est depuis qu'ils ont accédé au droit de vote à 18 ans que la situation des jeunes Français, en tant que groupe social, a commencé à se dégrader par rapport à celle des autres générations. » Les acteurs de Mai 68 ont décidément un sérieux examen de conscience à faire pendant qu'ils coulent (encore) des jours heureux à la retraite ou à la veille de celle-ci. Mais la paix pourrait être de courte de durée, car une révolte de la jeunesse spoliée n'est pas à exclure.
« Le Papy-Krach », par Bernard Spitz. Grasset, 130 pages, 9 euros.
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