Une critique du papy-krach dans les Echos du jour. Pour les non-abonnés, le texte suit.
Le casse du siècle
Un appel à la révolte contre trente ans de politiques aboutissant à la spoliation de plusieurs générations.
C'était en l'an 2000 : sous le titre « Notre Etat », Bernard Spitz et Roger Fauroux publiaient une impressionnante somme recensant les réformes qu'exigeaient les dysfonctionnements de l'Etat. Mais ils concluaient en disant leur crainte que « l'écriture lisse de l'ouvrage, la rigueur des analyses et la sécheresse des chiffres » cachent qu'il s'agissait moins d'un livre de réflexion que d'un livre de colère. Le masque est aujourd'hui tombé avec la publication du bref essai où Bernard Spitz décrit le papy-krach qui nous attend. Plus qu'un dossier, certes solidement argumenté, c'est un cri d'indignation que nous livre l'auteur et un appel à la révolte.
Il nous montre d'abord ce qu'a eu d'incroyable la façon dont les générations au pouvoir depuis 30 ans ont effectué, aux dépens de leurs enfants, « le plus grand hold-up de l'histoire, celui de la spoliation de plusieurs générations sacrifiées qui semblent pourtant ne pas réaliser ce qui les attend ». Le plus stupéfiant est qu'on ne puisse même pas avancer l'excuse de la surprise. Le retournement démographique était annoncé depuis 1970 et l'on avait de longues années devant soi pour adopter les politiques qui en auraient atténué le choc. Or on a fait tout le contraire de ce que le bon sens imposait.
« Les jeunes paieront »
L'exemple le plus spectaculaire de cet aveuglement a été la façon dont nous avons pratiqué la fuite en avant en recourant à un endettement qui a quintuplé en 25 ans. Tout s'est passé comme si tous avaient fait leur la formule magique : « Les jeunes paieront. » Si bien que ces jeunes qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail n'ont d'autre perspective qu'« un futur de 40 ans de vie active consacré à rembourser la dette accumulée et à en financer la suite... C'est cela le casse du siècle ». Et, pour noircir encore le tableau, il suffit d'évoquer le poids colossal que vont repré- senter les deux autres piliers du papy-krach : le remboursement de dépenses de santé et le paiement des retraites.
Bernard Spitz ne s'attarde pas à désigner les responsables de cette dégradation inéluctable du sort des nouvelles générations. Il évoque tout juste la frilosité de gouvernements plus soucieux de durer que de faire en se refusant à déplaire aux seniors dont les voix restent si utiles au moment des élections. Mais il faut viser plus large et désigner la véritable coalition qui a uni les retraités de l'époque des Trente Glorieuses et la génération qui a suivi, celle des papy-boomers. Toutes deux ont uni leurs forces pour défendre leurs droits et obtenir des forts transferts de patrimoine à leur profit. Tout en multipliant paradoxalement les proclamations à la gloire de l'enfant-roi, elles ont refusé les réformes de structure qui lui auraient donné un avenir et préféré la facilité et l'évitement.
Mais le plus étonnant est peut-être que ces jeunes que l'on dépouillait se soient faits les complices de l'opération. Ils ont, bien sûr, été le fer de lance de multiples mouvements depuis 30 ans mais n'ont pas perçu qu'ils étaient instrumentalisés et se battaient contre les réformes qui auraient pu les sauver. Ils se sont lancés dans des mouvements contestataires qui ne faisaient que perpétuer le statu quo et l'immoralité du système. « En défendant les droits acquis... des autres, les jeunes se sont tiré politiquement, économiquement et socialement, une balle dans les pieds. » Il ne leur reste plus alors qu'à se réfugier dans l'abstention ou le vote pour les extrêmes. D'où l'appel à la révolte lucide et à l'engagement politique que leur adresse aujourd'hui celui qui craint que le papy-krach ne débouche sur un clash dramatique entre générations.
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